Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nom d'une pepite
9 novembre 2008

Vivre et Accepter : 1er chapitre

Vivre c'est accepter. Tout commence par soi-même. Puis tout continue par l'entourage. Enfin tout finit avec la mort. Mais accepter c'est difficile, laborieux, ambitieux et parfois irréaliste. C'est faire un travail de chaque instant par rapport à soi, par rapport à d'autres, par rapport à des événements. Je n'ai que vingt-sept ans mais pourtant, déjà, j'ai vécu. Ce que vous lirez n'est pas la vérité, ni ma vérité, c'est juste une partie de la vie que j'ai affrontée, défiée, acceptée.

Déjà petite, il a fallu que je vive avec ma différence. Celle qui rend cruels les mots. Celle qui me vaut des regards méchants. C'est bien connu, la vérité sort de la bouche des enfants. Etre écartée parce que tout simplement je n'étais pas pareille qu'eux. Oui j'étais différente. Oui mon physique était un handicap. J'étais boulotte. Pas obèse mais plus grosse que quasiment tous les enfants. Je n'étais pas une montagne de graisse pourtant. Mais les autres enfants me traitaient différemment. J'étais un faire-valoir. A côté de moi, toutes étaient mieux que moi. Non ce n'est pas de la jalousie. C'est simplement une constatation. J'avais déjà un petit ventre rondouillet, des petites cuisses potelées. Souvent j'entendais grosse vache, tas de graisse. Vous savez dans la cour de l'école, les enfants ne sont pas tendres. La vérité est crue, directe, froide, non calculée. Ça fait mal de l'entendre, ça fait mal de le vivre. Tous les jours, tout le temps, dans chaque classe, chaque année, encore et encore. Pour tout dire, j'étais amoureuse d'un garçon de ma classe. Mais ce n'était pas réciproque. Il aimait la fille avec qui j'étais copine. Il me trouvait gentille mais je n'étais pas son type de fille. J'étais trop grosse. Oui ma différence m'éloignait de ce genre de relation. Tout m'indiquait que je n'étais pas dans le type standard de ce que je devais être.

Alors je me suis éloignée. Je suis partie dans le monde imaginaire. Je me suis réfugiée dans un milieu où nul ne me jugerait sur le physique que j'avais, où nul regard ne m'infligerait une honte de mon corps. Les dessins animés ont été mon lieu d'asile. Mon esprit recréait le monde en deux dimensions que je regardais à la télévision. J'étais une héroïne amoureuse dans les Chevaliers du Zodiaque ou encore une cavalière soldat émérite dans Lady Oscar. Je vivais des histoires folles où mon apparence n'était pas la vérité, où ce que je réalisais me valait amitiés, amours, remerciements. J'avais tellement besoin de me protéger que mes parents ne pouvaient pas me dé-scotcher de l'écran de télévision. Chaque nuit, chaque heure passée dans la voiture, chaque moment où je pouvais fermer les yeux, j'oubliais qui j'étais réellement et j'endossais une nouvelle personnalité. On pourrait dire que je pratiquais déjà les jeux de rôle sans le savoir.

Mais voilà, chaque matin il fallait rouvrir les yeux, affronter la réalité, le regard des autres. Plus les années passaient, plus j'avais honte de ce corps que j'avais. Mon entourage familial ne m'aidait pas à m'accepter telle que j'étais. En fait pour être honnête, d'un côté de ma famille, il y a des problèmes de poids. Mes parents voulaient certainement me protéger en me disant "Fais attention à ne pas manger ça !", "Ne te ressers pas…" bref les phrases rituelles qui vous mettent des barrières. Oh oui, ces foutues barrières que j'escaladais chaque nuit pour m'évader. Elles revenaient chaque jour, de plus en plus étouffantes, de plus en plus hautes. Et puis un jour elles se sont refermées sur moi. Elles sont devenues ma carapace.

J'étais grosse, c'était comme ça. Dès que je mangeais quelque chose d'un peu sucré ou de gras, les regards se faisaient insultants. Je me sentais persécutée, épiée, dévisagée, agressée. Je devenais un monstre de foire. Pourtant en revoyant les photos de l'époque, je n'étais pas si différente. Mais dans ma tête je me voyais vraiment autrement. Les passages chez le médecin pour les visites médicales devenaient le chemin de l'enfer. Le pèse-personne devenait mon pire ennemi. Ma vie éveillée devenait un cauchemar. Ma vie imaginée devenait l'éden. Ma carapace s'endurcissait, s'épaississait. Ce n'était pas évident de se faire des amies à qui je pouvais me confier. C'était encore plus dur de vouloir aimer et se faire aimer d'un garçon. J'étais tellement obsédée par l'apparence de mon enveloppe corporelle que m'ouvrir aux autres était un défi de chaque instant.

L'engrenage était lancé. Telle que je me voyais, je suis devenue. Telle que je ne voulais pas être, je l'étais. J'ai grossi, je suis devenue l'objet de ma honte, de mon renfermement. Je ne m'acceptais pas pour autant. Mais je ne voyais pas comment m'en sortir. En parler avec ma famille c'était affronter les disputes, les "je te l'avais dit !". En parler avec ses amis c'était ouvrir ma carapace. Je n'avais pas d'arme pour affronter ça. Alors je m'enfonçais encore plus dans mon monde irréel. Je suis devenue une danseuse professionnelle pouvant danser et onduler mon corps sur toutes les scènes du monde. Pourquoi m'imaginer ce métier ? Je ne sais pas trop. J'avoue que j'aime la musique et danser. Petite j'ai fait de la danse classique mais le tutu rose n'allait pas à une gamine potelée et à cause des moqueries des autres enfants j'ai arrêté. Est-ce une passion avortée qui a ressurgi ? Peut être. J'aime les pop stars qui font des grands spectacles comme Mylène Farmer, Madonna, Britney Spears… Elles sont belles et bougent leurs corps avec une telle facilité. Alors peut être que mon imaginaire a fait un mixe de tout ça. Je me demande si ma différence ne m'a pas fait devenir schizophrène quelque part.

Et puis un jour j'ai rencontré des personnes qui ont voulu ouvrir ma carapace. Je me suis défendue. Je ne voulais pas qu'on découvre ma fragilité, ma sensibilité, mon moi. Je devais me protéger, c'était devenu mon mode de vie. Je sortais les crocs dès qu'on abordait le sujet du poids. Je changeais de conversation. J'étais comme ça, une grosse. Je vivais en tant que grosse. Je ne m'acceptais pas, je complexais même. Mais personne n'a jamais voulu me connaître pour ce que j'étais intérieurement. Alors pourquoi je devais entrebâiller mes barrières pour ces personnes-là ? Elles ont fait le forcing, elles ont décidé que je devenais un membre de leur équipe, de leur clan, de leur famille. Peu importe les morsures, les crises de susceptibilité, si elles voulaient aborder le sujet de mon surpoids, elles le faisaient sans détours. Ça faisait mal de s'entendre dire la vérité. Ça faisait mal de voir que des personnes pouvaient vraiment s'inquiéter pour ma santé.

Alors j'ai voulu changé. J'ai voulu arrêté de vivre le bonheur dans mon monde imaginaire. Mon corps devait changer. J'ai consulté et j'ai entamé mon premier vrai régime suivi. J'ai compris que le chemin de la rédemption était long, difficile. Après le regard des autres, il fallait que je m'affronte moi-même. Il y a eu plusieurs batailles, des combats enragés avec mes envies et mes désirs. Il y a eu des victoires et des défaites. J'ai même à un moment donné lâché l'affaire. Mais quand j'ai cessé de me défier, j'ai retrouvé ces regards qui en disent long. J'avais le choix. Soit je vivais l'enfer à l'extérieur de ma carapace, soit je le vivais à l'intérieur. Un jour une personne m'avait dit : "As-tu songé à l'anneau ?". Ce jour-là, elle a failli mourir car je n'étais pas prête pour ce combat là. Et puis j'ai pris la décision. Je vivrais l'enfer dans ma carapace. Il fallait que je m'affronte pour m'accepter telle que je suis, pour enfin vivre.

Je ne suis pas encore libre de toutes mes barrières. Un jour certainement elles disparaitront. Peut être quand je ne serais plus là. Mais j'espère bien avant. L'acceptation de soi est un long chemin de croix. 

Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Nom d'une pepite
Publicité